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La cogénération, une technologie à gaz naturel à potentiel élevé

1 Nov 2017    4 min.

Depuis le 19e siècle, la cogénération produit de l’électricité et de la chaleur utile au chauffage ou à la production d’eau chaude sanitaire. Au cours des années, les applications et les technologies se sont multipliées et sont devenues plus performantes. Les technologies, comme les piles à combustible, suscitent un intérêt grandissant, notamment depuis l’établissement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. D’ailleurs, plusieurs manufacturiers diversifient actuellement leur offre avec des modèles de petite capacité, entraînant un nombre croissant de projets touchant ces technologies en Amérique du Nord et en Europe. Aujourd’hui, où en sommes-nous vraiment ?
Quelques définitions
La cogénération, habituellement désignée en anglais par le terme combined heat and power (CHP), est composée des éléments suivants :

  • un moteur thermique;
  • un générateur d’électricité;
  • une récupération de chaleur;
  • des interconnexions électriques.

La chaleur dégagée est récupérée pour produire de la vapeur ou de l’eau chaude. Idéalement, les besoins d’électricité et de chaleur doivent être simultanés et stables.
En ce qui a trait au moteur, différentes technologies existent :

  • moteur à combustion interne;
  • turbine à gaz;
  • turbine à vapeur;
  • microturbine;
  • pile à combustible.

Chacune a ses limites d’application, de coût et de performance énergétique. Le tableau ci-dessous présente quelques-unes de leurs caractéristiques :

Technologies Avantages Inconvénients Capacité Performance globale
Moteur à combustion interne Démarrage rapide Bruit élevé à basse fréquence Jusqu’à 60 MW à basse vitesse Entre 77 et 80 %
Turbine à gaz Grande qualité de la chaleur disponible Pression de gaz naturel élevée Entre 500 kW et 300 MW Entre 66 et 71 %
Turbine à vapeur Fiabilité et durée de vie élevées Démarrage lent De 50 kW à plusieurs centaines de MW Près de 80 %
Micro turbine Compact et léger Récupération de chaleur à basse température Entre 30 et 250 kW Entre 63 et 70 %
Pile à combustible Conception par module Coûts élevés Entre 5 kW et 2 MW Entre 55 et 80 %

Tableau 1 – Avantages, inconvénients et caractéristiques des technologies de cogénération1
 
Selon la nature du projet, les avantages sont multiples :

  • économie
    • réduction des coûts énergétiques;
    • augmentation de la productivité;
    • augmentation de l’efficacité énergétique.
  • confort
    • réduction des risques de coupures du réseau électrique;
    • augmentation de la fiabilité de l’alimentation électrique;
    • réduction de la pression sur le réseau de distribution d’électricité.
  • environnement
    • réduction des émissions de polluants atmosphériques, dont les gaz à effet de serre (GES).

Calcul de la performance d’une cogénération
Il existe plusieurs définitions de l’efficacité énergétique d’une cogénération. L’une d’elles consiste à comparer l’efficacité de la production d’électricité et de chaleur séparées (Separate heat and power – SHP) par une génératrice conventionnelle et une chaudière à celle d’un système de cogénération.
Une autre méthode consiste à analyser l’efficacité de l’utilisation du carburant (Fuel utilization effectiveness – FUE). Il s’agit de comparer le ratio de la production d’électricité nette par rapport à la consommation nette de gaz naturel. La consommation nette de gaz naturel est la consommation de gaz moins celle utile à la production de la chaleur, récupérée pour la production d’eau chaude ou de vapeur, habituellement faite à partir d’une chaudière.
Des projets qui font parler d’eux
Le secteur de la transformation agroalimentaire réalise de nombreux projets de cogénération. En plus d’augmenter leur performance énergétique et de réduire leur empreinte environnementale, l’approvisionnement énergétique de ces usines est plus fiable et autonome.
Ainsi, en Ontario, la compagnie Campbell du Canada a installé en 2015 un système de 4,6 MW pouvant produire 90 000 livres de vapeur. Le système répond à près de 95 % des besoins énergétiques de l’usine. Une période de retour sur investissement de quatre ans a été atteinte grâce aux faibles coûts du gaz naturel et aux coûts élevés de l’électricité, et grâce à différentes aides financières reçues.
Aux États-Unis, la compagnie new-yorkaise Manhattan Beer Distributors a installé un système de 600 kW pour pallier une faible capacité d’alimentation de l’entreprise de distribution d’électricité. En 2012, elle n’a cessé ses activités que pendant 24 heures durant le passage de l’ouragan Sandy, alors que tout le voisinage était privé d’électricité.
L’usine Lake District de la plus importante coopérative laitière du Royaume-Uni a un système énergétique intégré incluant une unité de cogénération. Les résidus de fromage sont transformés pour produire du biogaz dont près de 80 % sont convertis en biométhane, puis envoyés au réseau de distribution de gaz naturel. Le reste alimente une unité de cogénération qui fournit électricité et chaleur à l’usine. La combinaison CHP et biométhane permet d’optimiser et de valoriser la production et l’utilisation de l’énergie.
Que se passe-t-il au Québec ?
Depuis peu, l’installation de génératrices d’urgence à gaz naturel est permise au Québec dans certaines conditions (voir Informatech Volume 31, Numéro 1, février 2017). Cette option peut être intéressante lors du remplacement d’un groupe électrogène au diesel. En période de pointe hivernale, les bas coûts du gaz naturel offrent la possibilité d’utiliser le groupe électrogène pour baisser la demande en puissance électrique quelques heures par année et de récupérer la chaleur pour chauffer le bâtiment. Selon le type d’application, l’efficacité globale de la CHP peut être supérieure à celle d’une chaufferie à gaz naturel. De plus en plus d’entreprises québécoises analysent cette solution. Bien que les coûts d’électricité soient avantageux au Québec, certains clients manifestent un intérêt pour atteindre une certaine autonomie énergétique.
De l’innovation : pile à combustible et micro-CHP
Afin de réduire encore davantage les émissions de polluants atmosphériques, la pile à combustible est toujours d’actualité. Plusieurs entreprises offrent même des appareils fonctionnant directement à l’hydrogène produit avec du gaz naturel, au biogaz ou encore au gaz naturel.
Ainsi, au Connecticut, une école secondaire a installé une pile à combustible de 2,2 MW. L’électricité produite sert en partie à l’école. Le surplus est retourné au micro-réseau de la ville (Woodbridge). La chaleur récupérée sert à chauffer l’école et à produire l’eau chaude domestique.
En France, entre 2014 et 2016, GRDF a testé avec succès un système combinant la génération d’électricité à l’aide d’une pile à combustible, d’une chaudière à condensation et d’un chauffe-eau. Ce système rend autonome du point de vue énergétique un bâtiment résidentiel ou commercial. Des économies électriques de 60 % ont été enregistrées dans les trois bâtiments suivis.
De plus, des manufacturiers européens de chaudières offrent dorénavant des unités de cogénération ayant des puissances de 12 à 500 kW. L’efficacité globale de ces systèmes peut dépasser 90 %. Les modules de CHP peuvent être installés dans une chaufferie en combinaison avec une chaudière et un chauffe-eau afin d’optimiser la production et la facture d’énergie. En intégrant des panneaux solaires et du biométhane, le gaz naturel a sa place dans le développement de projets autonomes, performants et durables d’un point de vue énergétique.
 
Marie-Joëlle Lainé, ing., CEM
Conseillère, Technologies et innovation, DATECH, Gaz Métro

1 : Catalog of CHP technologies, U.S. Environmental protection agency, Combined heat and power partnership, Mars 2015
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